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Magnolia Crescent
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28 août 2007

L'orgueil

rating: K+
personnages principaux:
Hedwige, le duc de l'Orgueil

aigleIl faisait nuit maintenant. Une brume épaisse sortait de la forêt et s'étendait sur le parc. À l'orée du bois, abrité derrière le large tronc d'un arbre biscornu, se tenait un homme d'un certain âge. Ses cheveux blancs, coiffés en catogan, faisaient ressortir les traits émaciés de son visage sévère. Les deux yeux d'un bleu délavés, tirant sur le mauve, semblait n'avoir jamais souri et étaient surplombés de fins sourcils, haut placés sur le front. Cet homme au corps élancé, portait en cet instant redingote, col dur et bouton de manchettes. Son aspect guindé n'empêchait pas de laisser transparaître dans les gestes une aisance certaine.
Le vent se leva. Les nuages se mirent en mouvement. La lune se découvrit, baignant le parc d'une douce lumière. Au loin le château se découpait dans un rayon de lune. Quelques fenêtres étaient encore éclairées. Un léger brouhaha provenait de la volière où les oiseaux commençaient à s'agiter pour aller chasser. L'homme observait calmement les allées et venues des volatiles. Puis, lorsque de nouveau l'astre lunaire disparut derrière un épais nuage, il murmura quelques mots. En un sifflement, le voilà haut dans le ciel. Il ne restait de lui que ce regard clair et froid, ainsi que la couleur de son plumage, rappelant aisément celle de son costume: pennes noires, plumes gris taupe et duvet blanc. Profitant des courants ascendants, il plana tranquillement jusqu'à la volière, à l'entrée de laquelle il se posa majestueusement.
Jetant un regard circulaire sur ses comparses, l'épervier avisa une chouette blanche, perchée tout en haut, dominant ainsi la volière, et dormant pour le moment. Alors, une onde dorée se diffusa dans la pièce circulaire balayée de courant d'air, s'éleva jusqu'à l'effraie blanche et l'enveloppa. Quelques minutes plus tard, Hedwige, car c'était elle, ouvrait un oeil agacé. Mais qu'est-ce qui la réveillait ainsi au milieu de la nuit? Elle aperçut alors le superbe épervier qui l'observait depuis la fenêtre. Celui-ci la provoqua d'un cri, semblant la défier. Hedwige l'ignora superbement, détourna la tête avec un air de mépris bien affiché.
L'épervier se jeta alors dans les airs, lançant un cri perçant qui sonna comme une insulte aux oreilles de la chouette. Cette dernière finit alors par s'élancer à la suite du rapace. À ce moment-là, quiconque aurait levé les yeux au ciel aurait aperçu une drôle de poursuite dans les nues. Plus qu'une poursuite: il s'agissait en réalité d'une lutte. Le vainqueur serait celui qui parviendrait à montrer sa supériorité à l'autre. C'était à qui aurait le vol le plus majestueux, tout en étant le plus rapide. L'épervier avait cet avantage qu'il n'avait pas volé de la journée: il était parfaitement frais et dispos, et cela se ressentait. Mais Hedwige redoubla d'effort. Cependant, malgré ce regard qui l'insupportait au plus haut point – presque humain pensait-elle – la chouette ne pouvait s'empêcher d'admirer la grâce du rapace, et un hululement d'admiration lui échappa lorsque ce dernier passa dans un rayon de lune et que son plumage se mit à luire, le temps de quelques secondes. Ce son lui échappant la sortit de sa rêverie: cet oiseau était peut-être admirable, mais cela ne lui donnait en rien le droit de l'éveiller en pleine nuit! Non mais pour qui se prenait-il? Quand on avait un minimum de savoir-vivre, on n'éveillait pas une dame de haute lignée! Toute sa famille était de la même race et était fière de sa spécificité, à savoir un plumage immaculée. Aucune plume plus sombre ne s'était jamais glissée au milieu des autres, et ce depuis des générations... Il était temps de montrer à cet énergumène qui elle était!
Mais après une demi-heure de vol, la chouette commença à fatiguer. Son vol n'était plus régulier, et l'épuisement – c'est bien connu – n'améliore guère la beauté d'un individu. Or Hedwige n'en pouvait plus et rester digne devenait bêtement impossible. De plus elle perdait du terrain sur son adversaire. L'épervier lui jeta un regard méprisant, ce qui acheva de briser la pauvre Hedwige, qui s'en retourna déconfite et désappointée à la volière.
« Hedwige! Tu veux bien descendre s'il-te-plaît? J'ai une lettre à envoyer. » Harry tentait vainement de faire descendre sa chouette. Mais qu'était-elle allée se percher tout en haut? Pour toute réponse, celle-ci lui lança un regard glacial et lui tourna le dos. « Bon très bien, si tu le prends comme ça, je vais demander à Coq... » Il n'eut pas le temps d'achever se phrase que déjà l'effraie fondait sur lui. Il attacha le parchemin à sa patte et lui caressa doucement les plumes. « Tiens? Tu as des plumes noires maintenant? » Si Harry avait à cet instant regardé par la fenêtre, il aurait vu un homme quitter le parce du château dans le soleil levant: le duc de l'Orgueil avait vaincu, une fois de plus.

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