Où les capes volent et les portes claquent
rating: K
personnage principal: Severus Snape
Severus Snape arpentait
allègrement les couloirs du château où il avait
la réputation d'être un professeur tyrannique et très
partial. Ses yeux brillaient d'une joie mal contenue et ses lèvres
s'étiraient en un rictus qui pouvait passer pour un sourire.
Comme à son habitude, il portait en cet heureux jour ses
grandes robes noires. Il avait mis des années à
contrôler parfaitement leur mouvement: il avait appris à
marcher sans se prendre les plis dans l'ourlet, à manger sans
faire tremper ses manches dans la soupe, à faire cours sans
renverser malencontreusement les ingrédients qu'il ne fallait
pas dans le chaudron. Cela faisait maintenant quelques années
qu'il en mettait plein les yeux des première année avec
ses tourbillons de robes noires, et il était fier de lui.
Il n'avait jamais fait un seul
faux pas, et depuis deux ou trois ans, il avait même investi
dans une cape longue, tout aussi noire que ses robes. C'est qu'il ne
faisait pas chaud dans les couloirs en hiver! Il lui avait fallu
toutes les vacances de Noël pour parvenir à la faire se
soulever dans le bon sens, avec ses si élégantes
ondulations qui ébahissaient les élèves. Mais
enfin, après deux semaines d'entraînement intensif,
après deux semaines où il avait fait moult kilomètres
dans ses appartements, il avait réussi à maîtriser
les mouvement de sa lourde cape.
Il en était d'ailleurs
très content de ce manteau. Elle était assez longue
pour traîner derrière lui. Lorsqu'il descendait les
escaliers, elle le suivait quelques marches en arrière, ce qui
forçait les élèves qui auraient pu le suivre à
rester à une distance respectueuse et respectable. Coupée
dans un lourd drap de laine, cependant d'une qualité
remarquable, elle lui tenait chaud et pesait sur ses épaules
d'une manière réconfortante. Le professeur avait
toujours détesté ces bouts de tissus que certains
osaient nommer capes et qui ne pesaient rien: superflu, futile et
sans aucune utilité! Mais ce qui faisait de ce manteau son
vêtement favori, c'était cette attache d'agent. Assez
alambiquée, elle était composée de torsades qui
s'entremêlaient dans un joyeux méli-mélo. Il
était heureux de pouvoir arborer un tel bijou, sans qu'il ait
l'air de ces collier ridicules! Lorsqu'il enfilait sa cape, le froid
métal le faisait frissonner en entrant en contact avec sa
peau.
Ce jour-là, il avait
aperçu les regards ébaubis de deux jeunes Serdaigle et
son coeur avait bondi de joie dans sa poitrine. Même ceux qui
étaient censés être d'une sagesse exemplaire,
voués au travail et insensibles aux effets de manches avaient
été estomaqués par la grâce de ses
vêtements. Il en était là de ses réflexions
lorsqu'il aperçut non loin de là les deux inséparables.
Fred et George Weasley, ces deux-là, il s'en méfiait.
S'ils étaient dans les parages, c'était un mauvais
présage...
Certes, ces deux Gryffondor
étaient de loin ses meilleurs élèves en potion:
toujours inventifs, leurs mélanges rataient rarement. Leur
inventivité leur permettaient de résoudre les consignes
complexes qu'il s'évertuaient à donner à ses
troisième année, « pour leur mettre un peu
de plomb dans la cervelle ». Cependant, ils n'en restaient
pas moins des Gryffondor, ce qui impliquait prise de risques,
inconséquence et inconscience. Que de fois leur chaudron
avait-il explosé! Et il ne comptaient plus les robes qu'il
avait dû jeter: les potions partaient rarement au lavage,
surtout les leurs. C'est pourquoi, il ôtait toujours sa
précieuse cape avant d'entrer dans la salle de cours. Il ne
manquerait plus qu'elle présente des taches d'un rose
disgracieux!
Lorsqu'il sortit de ses
pensées agitées, il s'aperçut qu'ils avaient
disparut. Il poussa un soupir de soulagement.
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Severus Snape était
furieux. Il marchait à grands pas en direction de son bureau.
Il sortait de la salle des professeurs, où il venait de se
disputer avec le professeur Vector sur les propriétés
magiques de certains nombres et leur conséquences dans les
potions de guérison. Il enrageait de n'avoir su trouver
d'arguments suffisamment forts pour clouer le bec à cette
vieille pie. Les talons de ses bottes claquaient sur les pierres
froides du château et sa cape avait entamé une valse
folle derrière lui. Pour une fois, il ne prêta aucune
attention aux mouvements de ses vêtements, mais il vit le
groupe de jeunes Poufsouffle couiner de peur devant l'aura de fureur
qu'il dégageait.
À plusieurs reprises,
il fit chanceler une armure sur son passage. Mais il était
bien trop préoccupé par se récente humiliation
pour s'en formaliser. Il avançait, toujours aussi rapidement.
Puis il se trouva devant une porte qu'il ne connaissait pas. Le
couloir semblait être un cul-de-sac. Il ne s'habituerait jamais
à ce château, où tout semblait se mouvoir pour le
contrarier. Il en était sûr, tout cela n'avait qu'une
intention: le contrarier. Il ne voyait pas autre chose. Et il était
bien trop hors de lui pour penser que même enchanté ou
ensorcelé, un château ne pouvait avoir d'intentions.
Il tourna la poignée.
Elle résista. Il s'énerva et tenta de la forcer. Elle
résista de plus belle et la porte se mit à l'insulter
copieusement d'une voix indignée. Severus n'en croyait pas ses
oreilles. Il sentait que ses nerfs allaient lâcher. C'est alors
qu'une petite voix s'éleva derrière lui. « Peut-être
devriez-vous essayer le sort d'ouverture professeur? » Le
portrait avait rougi jusqu'aux oreilles en disant cela et ne dit plus
un mot. Extrêmement vexé de n'y avoir pas pensé
plus tôt, Severus ouvrit la porte d'un sort et reprit sa course
dans les couloirs. Son pas s'était encore allongé et sa
fureur n'avait fait qu'augmenter. Sa cape volait furieusement
derrière lui.
Une autre porte. Un sort. Elle
s'ouvre. Il passe. Puis il claqua la porte derrière lui, sans
s'arrêter et poursuivit sa marche. Couic! « Glups »
Arrêté net dans son élan, Severus s'égosilla:
« QUI EST LE VERACRASSE QUI A OSE?... » Il se
retourna pour voir qui avait osé marcher sur sa cape et ainsi
l'étrangler violemment dans sa course. Il en avait eu le
souffle coupé. Sa si belle attache d'argent s'était
imprimée dans la peau si délicate de son cou gracile.
Non mais! Comment pouvait-on oser une chose pareille?
Alors
Severus se tut. D'un coup sa colère tomba. Il pâlit. Il
n'y avait personne derrière lui. Il suivit le bord de sa cape.
Il remonta les yeux le long du tissu noir et aperçut le coin
du vêtement, pitoyablement coincé dans la porte qu'il
avait claquée quelques secondes auparavant. Rapidement, il
jeta un coup d'oeil alentours et revint sur ses pas pour décoincer
ladite cape. Heureusement, le couloir était désert.
Personne n'avait été témoin de son infortune.
Lorsqu'il se fut libéré et qu'il eut maudit la porte
jusqu'à la treizième génération – sans
prendre garde au fait qu'une porte ne se reproduisait pas pas – il
reprit sa marche, un peu moins rapidement cependant.
Il
n'entendit jamais les ricanements de deux têtes rousses
dissimulées derrière une tapisserie, juste à
côté de la porte.