Où sandale rime avec scandale
rating: K+
Draco
passa les portes du grand bâtiment où se trouvaient les
bureaux de La Gazette du sorcier.
Même s'il s'essuya les pieds avant de pénétrer
dans le hall, l'agent d'entretien regarda avec mécontentement
l'eau qui gouttait de son imperméable et ouvrit de grands yeux
outrés lorsque le jeune homme replia son parapluie en le
secouant. Comme l'ascenseur était – encore – en panne,
Draco emprunta les escaliers. Quatre étages plus haut, il
entra enfin dans son bureau, légèrement essoufflé
et les joues rosies par l'effort. Aussitôt son regard fut
attiré par une note déposée sur son bureau.
« A
Mr Malfoy. Demande de dossier. - Sandale. - Origines, évolution
et opinion. - A rendre dans deux jours, heure pour heure. »
Passablement surpris, Draco se
demanda ce que pouvait bien entendre son supérieur par le
substantif « sandale ». Qu'était cette
chose? Bien, il avait deux jours, ce qui était relativement
court, pour un sujet aussi complexe, dont il ignorait jusqu'à
la nature même!
Les
piles de livres avaient sensiblement gagné en hauteur, et
commençaient à envahir le parquet. La tête dans
les mains, avachi sur sa table de travail, Draco désespérait.
Cinq heures qu'il cherchait comme un acharné, sans trouver la
moindre trace de ce que pouvait être une sandale! Finalement,
il se rendit à l'évidence: ce n'était pas un
sortilège, ni un quelconque objet magique, ni une incantation,
ni un village de Papouasie, ni une peuplade d'Amérique
latine... Alors il se leva lentement et se dirigea avec lassitude
mais résignation vers une petite armoire qui semblait avoir
été placée par erreur dans cette pièce.
Toujours avec la même lenteur, il ouvrit la porte qui grinça
douloureusement. Draco ne se souvenait même pas avoir déjà
ouvert ce meuble. Après avoir trifouillé quelques
minutes dans la poussière, il sortit un vieux volume qui
tombait en morceaux. Merlin! Dire qu'il en était réduit
à aller regarder dans un dictionnaire moldu. Il était
tombé bien bas...
« Sandale:
n.f. - sandaire v.1160; latin sandalium, grec sandalion – Chaussure
légère faite d'une simple semelle retenue par des
cordons ou des lanières qui s'attachent sur le dessus du pied.
> claquette, nu-pied, spartiate, tong – Chaussure de femme, très
découpée, sans quartier. » Génial!
Il n'aurait pu tomber mieux... Une chaussure moldue. Il était
généralement fier de ce qu'il savait et pouvait se
vanter d'avoir une culture générale extrêmement
large. Elle couvrait presque tous les domaines et il se plaisait à
compléter sans cesse ses connaissances. Mais s'il y avait une
discipline qu'il avait toujours refusé de cultiver, c'était
bien l'étude des moldus! Non par détestation de ces
êtres privés de magie, mais par simple manque d'intérêt
pour la question. Il avait vécu vingt-neuf ans sans s'en
préoccuper, ignorant tout de leurs us et coutumes et il n'en
avait jamais eu besoin. Apparemment, son supérieur en avait
décidé autrement. Il allait tuer Ronald
Weasley! Cette pensée lui
faisait horreur, mais il avait besoin d'aide.
Il
aurait volontiers questionné son ami Crabbe, qui s'était
spécialisé dans l'étude des moldus, mais il
s'était retiré au fin fond de l'Afrique noire pour une
étude sur les Peuls. À l'heure qu'il était, il
était totalement injoignable. Après avoir passé
en revue son carnet d'adresses et conclu qu'il ne pouvait attendre
d'aide d'aucun de ses amis, il se décida à rentrer chez
lui.
Épuisé,
il ôta son manteau et ses chaussures puis s'endormit d'un
sommeil sans rêve, tout habillé, dans son canapé.
Lorsqu'il s'éveilla, le soleil pointait à peine son nez
par la fenêtre. Il étira douloureusement son dos
courbaturé et s'assit pour mieux réfléchir. Qui,
par Merlin, pourrait l'aider dans une telle situation? Il avait
besoin d'une connaissance de longue date, qui connaissait les Moldus
et leurs méthodes de recherches – parce qu'il avait eu beau
chercher dans toute la documentation sorcière, il n'y avait
rien concernant les sandales. Décidant qu'il serait plus à
même de réfléchir après un café, il
traîna ses pieds jusque dans sa cuisine.
Une
demi-heure plus tard, il avalait sa troisième tasse de café
et n'avait toujours pas de solution, lorsque son regard se posa sur
une vieille photo qui montrait les vainqueurs de la guerre. Potter...
mais oui! Cela tombait sous le sens maintenant: Potter pourrait
l'aider. Il habitait dans une petite ville du Devon et n'avait
plus de contacts, ou presque, avec le monde sorcier. Il pourrait
l'aider! La seule difficulté était de le joindre. Cela
faisait bien deux ans qu'il n'avait pas eu de nouvelles...
La
pièce était mal éclairée, et dégageait
une forte odeur de renfermé et de poussière. Malgré
cela, Draco Malfoy cherchait fébrilement depuis plusieurs
heures dans les archives de la Poste une information quelconque qui
aurait pu lui indiquer où trouver Mr Potter. Enfin, il trouva
ce qu'il cherchait, et s'en retourna chez lui.
« Harry,
Je
sais que nous nous sommes quittés dans des circonstances un
peu houleuses la dernière fois que nous nous sommes vus, il y
a près de deux ans maintenant. Cependant, je t'avoue
immédiatement que si je prends la peine de t'écrire,
c'est parce que j'ai besoin de ton aide. Ton cher ami Ronald m'a
collé un sujet d'article qui me pose de gros problèmes:
''sandale: origines, évolution et opinion''. Comme tu vis chez
les moldus, j'ai pensé que tu pourrais m'aider. Je dois rendre
mon article après-demain à la première heure,
alors j'aimerais que tu me répondes rapidement.
Sincèrement,
Draco »
*****
« Bonjour
Madame, je cherche le bureau de Mr Malfoy.
-
Attendez je vous prie. » La femme qui se tenait derrière
le comptoir de l'accueil feuilleta un registre puis leva ses yeux
bruns vers le jeune homme qui attendait. « Je suis désolée
monsieur, mais Mr Malfoy est absent aujourd'hui.
-
Ah. Et sauriez-vous me dire où je peux le trouver?
-
Je crois qu'il n'est pas très bien en ce moment. Il a posé
une journée de congé hier. Je pense que vous le
trouverez chez lui.
-
Très bien, merci. Au revoir mademoiselle. » Et le
jeune homme s'en retourna.
*****
Draco
commençait à perdre patience. Il ne lui restait plus
que dix-huit heures avant de rendre ce foutu article et Potter
n'avait toujours pas donné signe de vie! Il enrageait, et
tournait comme un lion en cage depuis plus d'une heure. À ce
rythme-là, il allait faire un trou dans le magnifique tapis
persan qui ornait son salon, ce tapis qu'il avait réussi à
sauvé du manoir avant que les sales pattes des employés
du Ministère ne viennent tout saisir! Il était si
énervé qu'il ne perçut pas le carillon de la
sonnette retentir. Ses pensées se bousculaient tant dans sa
boîte crânienne qu'il n'entendit pas la porte s'ouvrir.
Il était tellement préoccupé qu'il ne vit pas
l'homme qui s'approchait de lui. Il poursuivait furieusement ces cent
pas, lorsque brusquement, il percuta un imperméable. Un
imperméable?! Il leva les yeux et...
« Oh
Harry! ... Mais, tu entres sans frapper maintenant? Je vois que tu
n'as toujours pas appris les bonnes manières!
-
Excuse-moi, mais je n'appellerais pas ''bonne manière'' le
fait de faire attendre dehors pendant un quart d'heure celui qui a
sonné à ta porte!
-
Ah, euh... tu veux du café? »
Un
peu plus tard, les deux hommes étaient installés autour
de la table du salon et discutaient autour d'une tasse de café.
Enfin, discutaient...
« Mais
cesse de te payer ma tête!
-
Franchement, Draco, tu es impayable! Je n'arrive pas à y
croire... quand j'ai lu ça dans ta lettre, j'ai eu du mal à
y croire, mais maintenant...
-
Bon, ça va! Alors, qu'est-ce qu'on fait?
-
J'ai apporté quelques trucs de chez moi, répondit Harry
en essayant de calmer son fou rire. Y a une encyclopédie,
quelques livres sur l'histoire du costume... Non, ne me regarde pas
comme ça! Je suis passé à la bibliothèque
avant de venir!
-
Étonné que tu fréquentes ce genre d'endroits...
-
Si ça ne te plaît pas, je peux retourner d'où je
viens!
-
Non, non! Reste! S'il-te-plaît... » Draco
avait l'air vaguement désespéré. En effet, il ne
voulait pas perdre la face devant Ronald Weasley. Il refusait de se
ridiculiser devant sont supérieur! Alors il était prêt
à tout. « S'il-te-plaît, Harry, reste! J'ai
besoin de toi...
-
J'ai toujours su que tu me reviendrais... dit Harry avec un sourire
en coin.
-
Mais non voyons! Je ne parlais pas de ça! Bon, on les attaque
ces sandales? Je ne veux pas y passer la nuit. » Draco ne
croyait pas si bien dire: il était minuit passé et ils
avaient peu avancé. Les tasses et mugs
sales s'empilaient dans l'évier, le café était
froid maintenant et le thé était noir d'avoir trop
attendu. Les feuilles volantes, raturées et froissées,
envahissaient la salon et couvraient la table. Draco se prenait la
tête sur un des livres sur le costume antique. Caligula...
Caligula... Comme il déchirait
rageusement son énième brouillon, Harry se pencha
doucement par-dessus son épaule: « Calme-toi Draco,
murmura-t-il à son oreille, ça ne servira à rien
de t'énerver...
-
Me calmer, me calmer! Tu en as de bonnes, toi! » Malgré
son énervement, Draco ne put réprimer un frisson. Cette
présence... ça faisait si longtemps... « Comment
veux-tu que je me calme alors qu'il me reste à peine quelques
heures pour rendre ce put... » Deux doigts se posèrent
sur sa bouche. « Tut tut tut, Draco, ne sois pas vulgaire:
ça ne te va pas! J'ai une idée. Prends ton manteau, on
sort! »
*****
Il
était trois heures du matin. Harry surfait sur la toile
mouvante du net avec une aisance qui horrifiait Draco:
« Mais
tu te rends compte? On ne sais pas si ces données sont
exactes! Et si je fais une erreur, ton ami va faire de moi la risée
de tout l'immeuble! Harry, tu es sûr de ce que tu fais?
-
Oh, Draco, cesse de geindre, veux-tu? Tu me fatigues. D'ailleurs, il
fut un temps où tu me faisais davantage confiance, je me
trompe? » Draco se renfrogna et se concentra sur sa tasse
de café.
*****
Ron
riait depuis plus de dix minutes maintenant. Il avait les larmes aux
yeux. En face de son bureau, Draco était recroquevillé
dans son fauteuil, mortifié. S'il n'écrivait pas si
mal, rien de tout cela ne serait arrivé! C'était de
la faute de Weasley, rien ne le ferait changer d'avis.
« Ah,
mon pauvre ami! » Draco tiqua ma ne dit rien. « Je
crois n'avoir jamais autant ri de ma vie! Un article sur les
sandales... qu'est-ce que je vais pouvoir en faire? Peut-être
que Sorcière et mignonne l'accepterait pour sa rubrique
culturelle? Bon, ce n'est pas tout Mr
Malfoy, mais je fais comment pour mon scandale moi?
-
Et bien, demandez à Miss Chang, elle sera ravi de vous trouver
tous les potins que vous voudrez, et cela en un temps record! »
Ron fit appeler Cho Chang et lui demanda de
rédiger en vitesse un article sur le scandale provoqué
par le baiser échangé entre Mr
Fudge et Mr
Macnair...
« Quant
à vous Mr Malfoy, je vous conseille
de prendre quelques jours de repos. Je crois que vous en avez
vraiment besoin. »
Lorsque
Draco sortit de l'immeuble, il pleuvait à torrent. Il était
complètement défait: jamais il n'avait connu plus
cuisante humiliation! Et il avait oublié son parapluie! Il
était tellement occupé à ruminer ses idées
noires qu'il ne se rendit pas compte immédiatement qu'un
parapluie venait de prendre place au-dessus de lui. Puis une main se
posa sur son épaule. « Bonjour Draco. Alors? »
Il ne manquait plus que lui! Qu'est-ce que ce stupide Gryffondor
faisait ici? « Laisse-moi!
-Oh
là! Apparemment, ça ne s'est pas très bien
passé! Qu'est-ce qu'il y a?
-
Tu ne sauras rien! Je n'ai aucune envie que tu te gausses de mon cas
désespéré! » Harry eut un sourire: il
n'y avait que Draco pour employer de tels mots tout en ayant l'air
normal.
« Et
si je te promets de ne pas me moquer?
-
Je n'ai pas confiance...
-
Tu as ma parole! » Finalement, Draco se laissa convaincre.
Un peu trop facilement peut-être. À cause de ce
sourire... de cette voix... Et il lui raconta tout. Harry ne put
retenir un gloussement.
« J'en
étais sûr! Je ne peux pas te faire confiance! Tu
m'emmerdes! Va-t-en!
-
Hey! Attends Draco! Tu ne sais pas pourquoi je ris...
-
Ne cherche pas d'excuses, tu n'en as pas. Tu as ri, tu t'en vas. Un
point c'est... » Une main s'était plaquée
sur sa bouche, l'empêchant de poursuivre.
« Tout
d'abord, je ne vois pas pourquoi je me moquerais de toi: j'ai passé
toute la nuit avec toi pour ce satané article et ça
m'embête autant que toi d'avoir bossé pour rien.
Ensuite, si j'ai ri, c'est parce que j'imaginais Fudge et Macnair en
train de s'embrasser, et là, franchement, tu avoueras qu'il y
a de quoi rire! » Draco esquissa un sourire.
« Tu
as raison, c'est assez ridicule comme situation! Surtout quand on
sait que Fudge est homophobe comme ce n'est pas permis!
-
Enfin, j'ai réfléchi ce matin, et je me suis souvenu
que la dernière fois que tu es parti de chez moi, il y a deux
ans, tu avais oublié quelque chose... » Devant le
regard interrogateur de Draco, Harry se pencha et, sans prévenir,
déposa un baiser sur ses lèvres.